L'incendie de la Miner Rubber : 40 ans plus tard

Dans la nuit du 30 avril 1983, quelques mois seulement après sa fermeture définitive, la Miner Rubber s’enflamme dans l’un des plus gros incendies qu’ait connu la ville de Granby. À l’occasion du 40e anniversaire de l’incendie de la Miner Rubber, la division des archives a eu le privilège de s’entretenir avec deux pompiers retraités ayant participé à l’intervention : M. Robert Riel, actuel conseiller municipal et employé au service de police de 1977 à 2011, et M. Gérard Larose, quant à lui, en service de 1966 à 2000. 
 

Robert Riel

Crédit : Ville de Granby, Division des archives

Messieurs Robert Riel et Gérard Larose nous racontent leur nuit du 30 avril 1983, alors qu'ils étaient pompiers en service lors de l'incendie de la Miner Rubber.

 

« Je me rappelle, les gens disaient qu’à partir du pont Jacques-Cartier, ils voyaient la lueur de l’incendie dans le ciel », M. Robert Riel. 

Si l’on se fie aux journaux de l’époque, l’alerte a été donnée vers 23 h 30. La totalité des effectifs de la sûreté municipale est réquisitionnée. Il faut dire qu’à l’époque, les policiers agissaient également à titre de pompiers. Selon M. Riel, le territoire de la ville s’est retrouvé sans défense pendant près de 24 heures. 

« Si un gars voulait faire un vol à main armée dans la ville de Granby, c’était le temps de le faire! », a mentionné à la blague, M. Gérard Larose.

Les pompiers du village de Saint-Paul ont d’ailleurs été appelés en renfort pour rester de garde à la caserne, au cas où un autre incendie se serait déclaré dans la ville. Les pompiers de Roxton Pond ont, de leur côté, assisté à leur tour les pompiers de Granby sur le site de l’incendie. 

Pour leur part, M. Riel et M. Larose s’apprêtaient à commencer leur quart de nuit et, alertés par leur pagette, se sont rendus directement sur le site de l’intervention avec leur voiture personnelle. À l’époque, ceux-ci gardaient leur équipement de pompier dans leur véhicule en tout temps. 

À leur arrivée, M. Riel s’installe rapidement sur le terrain avec un boyau de 2 pouces, plus gros et plus difficile à manier que ceux utilisés aujourd’hui. M. Larose, quant à lui, travaille à éteindre l’incendie du haut de la grande échelle, utilisée pour la première fois depuis son acquisition. « J’ai vu ce que c’était l’enfer », dit-il, 40 ans plus tard. Ses souvenirs de l’événement sont aussi clairs que s’il avait eu lieu l’année dernière. 

 

Crédit : Ville de Granby, Division des archives

Habillés d’un simple manteau et d’un casque, les pompiers ont affronté le feu de tous angles, certains étaient perchés sur les échelles, alors que d’autres, comme ceux-ci, directement sur le terrain, étaient incommodés par la chaleur accablante de l’incendie.

 

Pour s’assurer que l’incendie ne s’étende pas, les pompiers de Granby prennent également le temps d’arroser les maisons les plus proches de la Miner Rubber. Heureusement, la configuration du site formant un creux a limité l’avancée de l’incendie vers le quartier résidentiel adjacent.

Équipés de vieux manteaux laissant entrer le vent, les pompiers sont confrontés à la forte chaleur du feu et doivent souvent rebrousser chemin pour continuer leur intervention. L’explosion fréquente de produits chimiques ne facilite pas les choses non plus. Ce n’est qu’au petit matin que l’incendie est dit « sous contrôle » et donc, n’est plus considéré comme un danger pour le secteur avoisinant. Les pompiers continuent tout de même leur intervention. M. Riel y travaillera pendant 36 heures consécutives avant de rentrer chez lui pour dormir.

La Ville de Granby n’était pas équipée à ce moment de son histoire pour combattre un aussi gros incendie. Les anciens collègues racontent qu’il a fallu faire appel à la nacelle de l’électricien Bachand Électrique, auquel on fixait un boyau à l’échelle, pour aider à l’intervention. Un camion-citerne de la voirie a également été requis pour transporter l’eau nécessaire à l’extinction du feu. Des pompiers étaient postés sur le pont de la rue Mountain, siphonnant l’eau de la rivière et près des bornes-fontaines de la rue Denison pour remplir les camions à relais. 

 

Crédit photo : Ville de Granby, Division des archives

Baptême de feu pour la nouvelle échelle du Service des incendies qui est utilisée pour la première fois le soir du 30 avril 1983. On peut également voir le camion nacelle fourni en renfort par l’électricien Bachand Électrique.

 

Crédit : Société d'histoire de la Haute-Yamaska, P026 Fonds Jeannot Petit

Quelques jours plus tard, on peut constater les ravages de l’incendie sur les anciens bâtiments de l’industrie ayant été la plus importante de l’histoire de la ville.

 

M. Riel et M. Larose se souviennent qu’à l’époque, lorsqu’un policier était engagé, il n’était pas formé comme pompier et devait apprendre avec leurs pairs sur le terrain. M. Larose sera d’ailleurs au cœur de l’amélioration de la formation et des pratiques du service jusqu’à sa retraite en 2000.

Considérant l’importance de l’usine de la Miner Rubber pour l’histoire de la ville, l’incendie a évidemment eu à l’époque une signification particulière, tant pour la population que pour les sapeurs au service de la ville. Plusieurs parmi ces derniers, y compris M. Larose lui-même, avaient d’ailleurs selon lui déjà travaillé pour la Miner Rubber avant d’intégrer le service de police. Bien qu’ils parviennent lors de l’incendie à sauver quelques bâtiments de l’usine, un nouvel incendie se déclarera en 1985 et viendra clore définitivement ce chapitre important de l’histoire granbyenne. 
 

Crédit : BAnQ, Fonds Armour Landry, P97.S1.D6215-6228

Le complexe de la Miner Rubber, vers 1965.

 

Crédit : BAnQ. Notice détaille 0002631729 : https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/5059

Fondée en 1909 par le maire de Granby Stephen Henderson Campbell Miner, la Miner Rubber se distingue comme la plus imposante industrie canadienne de fabrication de produits de caoutchouc. Avec ses sept édifices, elle deviendra quelques années plus tard le plus gros employeur de la ville de Granby avec plus de mille travailleurs. La mondialisation et la modernisation viennent clore définitivement le glorieux chapitre de la Miner Rubber qui déclare faillite en 1982.
 

 

Revue de presse de l'époque :